mercredi 23 octobre 2013

Frida

 Elle s’appelle Frida, et son frère jumeau Freud. Ils ont à eux deux 2 mois et font un peu plus de 2 kg.
Nous les avons rencontrés il y a 10 jours, ils descendaient emmaillotés de l’arrière de deux motos. Leur maman et une autre proche nous les ont tendus dans les bras. « Ils ne vont pas bien, et la petite ne veut plus manger depuis ce matin. »
Lorsque nous avons déballé les différentes épaisseurs de lange qui les entouraient, il a été dur de réprimer un ou deux P… tant nous avons été choqués de les découvrir dans les deux sens du terme.
Il y a des photos qu’on n’ose pas prendre si ce n’est pour sous tirer quelques larmes de pitié à de potentiels donateurs de fonds caritatifs occidentaux. Frida s’offrait devant nos yeux dans toute sa petitesse et sa fragilité. Un petit bout de chair et surtout d’os de moins d’un mois épuisé, dénutri, dont les traits réprimaient difficilement le squelette sous jacent. Un enfant moribond, qui faisait des pauses respiratoires  de 30 secondes, une bradycardie extrême, des bras de marionnettes… Ses yeux mi clos en soleil couchant annonçaient le crépuscule. Nous avons vite dit à la famille que c’était la fin, une question de minutes… On se sent bêtes dans ces moments là. Une impuissance, et une sorte de remords à ne pas pouvoir offrir plus qu’un accompagnement passif, pauvre, conforté par une décence à ne pas brasser du vent et se perdre en gestes inutiles dans des moments emprunts d’une certaine solennité.
La famille a compris, et la pièce s’est remplie d’une atmosphère « bizarre ». Un mélange de solennité justement, de gravité intense, de sérénité. Dans leurs larmes refrénées, les femmes ont égrené des prières et chanté. Toujours au chevet des jumeaux (surtout de Frida), nous nous sentions aspirés avec eux dans des lieux éloignés…
Nous lui avons mis goutte à goutte quelques millilitres de sucre sous la langue avec une petite seringue, à visée antalgique et puis pour avoir le sentiment de faire quelque chose. Aucune réaction initiale. Au bout de longues minutes, la langue a bougé, a aspiré les quelques gouttes qui n’avaient pas coulé hors de la bouche. Nous avons continué ce manège pendant deux heures environ. Puis l’atmosphère a changé, les portes qui s’étaient entrouvertes ont eu l’air de se refermer, le courant d’air bizarre qui avait envahi la salle a disparu, nos cœurs se sont ralentis, les frissons ont disparu, nous avons senti un peu d’impatience, de lassitude et le poids de la journée dans les jambes…
Nous avons expliqué les modalités de l’allaitement à la pauvre maman épuisée, pour remplumer le garçon, et si possible en garder au moins un des 2. Elle avait évidemment du lait (comme les mamans « qui n’ont pas de lait »). Vu que Frida sirotait une ou deux gouttes par ci par là dans la seringue, on a tenté d’y mettre ce précieux liquide. C'est alors que ses traits ont bougé, et elle a eu l’expression de visage d’un enfant qui pleure, sans un son… Le miracle de l’allaitement! (clin d’œil à nos mamans.)

Le temps a continué à filer, la nuit est tombée, la famille l’a veillée dans une chambre étuvée, nous nous sommes couchés, et plusieurs jours ont passé depuis. Elle a presque des joues, on ne voit plus les sutures crâniennes. Elle accompagne son frère dans l’ascension tranquille des courbes de croissance. Sa cuisse moins large qu’un pouce double toujours de volume quand on lui injecte la ceftriaxone et la gentamycine, mais elle s’est réveillée.
Frida pleure.

Elle n’a pas dû apprécier d’être refoulée aux portes…

lundi 21 octobre 2013

Bonsoir, comment ça va ? Et la famille ? Et le travail ? Et le pays ?

Après quelques épopées, nous avons réussi à retrouver Internet…
Alors Bonsoir ! (Ici, on se salue ainsi quelque soit le moment de la journée)
Comment ça va ?
Bon, nous ça va mieux, on commence à prendre nos marques, à vivre le quotidien béninois.
Ce week-end, nous avons fait une petite virée à Cotonou, chez Florence et Geoffroy, amis volontaires DCC qui habitent sur la route des pêches (au bord de la mer). Ils travaillent dans un orphelinat, et ils nous ont accueillis comme des pachas. Geoffroy avait trouvé du vin blanc et du vin rouge !!! Plongeons également à la piscine de l’hôtel voisin, bref, chacun y a trouvé son compte, les enfants étaient aux anges.
Cotonou est donc à 40 km de chez nous environ, et c’est tout ce qu’il y a de plus simple pour y arriver :
On commence par 10 minutes de 4x4 jusqu’à la sortie d’Adjarra. Après, vu qu’elle a une immatriculation provisoire, (et que le gouvernement vient de décider de ne plus renouveler aucune de ces immatriculations, et que faire une immatriculation permanente prend au moins « 1000 ans » dixit Rosette (pas de Lyon) et que nos copains policiers nous ont repérés…) nous devons trouver 2 zems, motos taxis, qui amènent la famille jusqu’à Ouando, la « gare routière ». Là, nous devons trouver un taxi brousse ou taxi collectif, genre J5 à 30 dedans où on voit les marques de joue sur les vitres...
Nous, on fait un peu nos snobs on avoue, on prend une voiture standard pour la famille.
Bon, après, s’il n’y a pas de panne, et si personne ne vomit à cause de l’odeur d’essence dans l’habitacle, on arrive 45 minutes plus tard au grand marché de Cotonou (Tokpa). Cette fois, on a eu de la chance, juste un « camion titan » qui s’est renversé en travers de la route avec toute sa marchandise de milliers de cartons (moins grave était le zem qui s’est vautré avec ses sacs de tomates ;-)).
Geoffroy et Flo nous ont rejoints pour effectuer les derniers kilomètres en camionnette, dont la dernière portion très belle sur le bord de mer, mais genre sentier côtier de Groix côte sauvage avec des amortisseurs rincés…

On a dormi samedi soir chez des sœurs catholiques qui faisaient accueil à côté de chez eux, et on a profité le lendemain de la messe dans leur chapelle au premier étage, vue sur mer, avec une petite brise matinale, qui faisait presque oublier le filet de sueur apparu depuis la sortie de la douche…

Voilà, encore une semaine de passée, et tant de choses à raconter… Des anecdotes, des émotions, des soucis, des aventures, et puis aussi beaucoup de nouveautés, de découvertes qui nous rappellent combien cette mission nous dépasse.

Il se fait tard, les enfants ont école demain. (Dire qu’il y en a qui sont en vacances). Faut aussi qu’on vous raconte quelques cas cliniques d’école pour nos amis médecins, genre cardiopathie congénitale avec une hépatosplénomégalie à l’ombilic…


Bises à tous !

mardi 15 octobre 2013

Une nouvelle venue...

On a eu la bonne surprise ce week-end de recevoir une moto! C'est grâce à une famille de volontaires Fidesco pour 2 ans à Cotonou que nous avons eu le filon. Un certain père Nestor leur avait proposé une moto mais eux n'en n'ayant pas besoin il nous la prête le temps de notre volontariat. Cool! une super bouffée d'oxygène, et un peu de vent dans les cheveux!
Les gars sont ravis, Côme que les gens appellent ici "vroum vroum" est en extase, Noé et Albin vont désormais à l'école en moto comme tous les enfants ici.

L'école n'a toujours pas encore vraiment commencé, entre les deux journées "formations"des professeurs, la fête musulmane de la tabaski et d'autres petites choses... Mais c'est normal apparemment, on nous dit que ça commence vraiment 1 mois après le rentrée... mais que par contre après ils bossent! On attend de voir!
Dimanche on a fait une petite sortie avec visite du musée d'Adjarra, des masques vodoun, déjeuner de porc braisé avec "la casa" (farine de niam, tubercule type manioc), descente en pirogue sur la rivière noire, avec dégustation en plein soleil de sodabi (alcool distillé fait à partir du vin de palme).... et pas qu'un verre pour ne pas vexer...

Au travail, le rythme commence à s'accélérer, on a toujours quelques cas plus costauds que d'autres, où l'on se sent vite dépassés, on vous racontera. On apprend.

On adore recevoir vos mails de news, on pense à vous tous, même si le blog doit parfois paraitre impersonnel.

Un bonjour tout spécial aux Parcais, à Pencadenic et aux huitres qui nous manquent, et surtout aux écoliers de l'école des Courlis qui apprennent tous les jours un peu plus du Bénin, et de cette culture africaine tellement riche...
On pense toujours au jumelage entre les 2 écoles, mais on attend que le rythme de croisière soit atteint ici ;-)

A très bientôt.

La famille Le Floc'h

mercredi 9 octobre 2013

Concours photo

Hello,

La DCC, l'organisme avec lequel nous partons, organise un concours photo, avec quelques lots intéressants à l'appui...

Du coup, nous en mettons quelques unes en ligne.
Il y a un système de vote du public. Vous connaissez donc le principe, n'hésitez pas à jeter un petit coup d'oeil, si  vous voulez faire un tour du monde de votre fauteuil!

NB: Le votant peut voter pour autant de photos qu’il le souhaite, dans la limite d’un seul vote par photo et par jour, et ce jusqu’au 4 novembre 2013

http://concoursphotos.ladcc.org

See you soon


Ci-après une photo prise hier, lors du premier accouchement réalisé à l'hôpital... D'ailleurs pas le plus facile, on a dû y aller à la ventouse à la fin. Mais la petite (4,200 kg) va bien...

vendredi 4 octobre 2013

pré-rentrée

Vendredi soir, ce beau moment de la fin de semaine...
Alors hier, c'était la rentrée des classes. Nous stressions depuis un certain bon bout de temps. Après avoir revêtu leurs uniformes, nos deux chéris ont courageusement traversé le marché pour arriver dans la cour de leur école...
... pour finalement se rendre compte que ce n'était pas vraiment le jour de la rentrée. Pourtant, c'était bien la date annoncée, mais comme nous l'a dit le professeur: "Vous comprenez, si on commence jeudi, on n'aura rien le temps de faire cette semaine, alors la vraie rentrée, ce sera lundi..."
On attendra donc pour les photos et le plongeon total en immersion pour les petits. C'était un bon petit bain pour prendre doucement la température. Nous en avons profité pour rencontrer la maitresse d'Albin, une jeune femme très gentille et les maitres de Noé en CPI, dont une maitresse en la personne de Soeur Marie-Laure!


Quant à nous, nous avons filé sur Porto Novo en fin de matinée pour rencontrer un pharmacien biologiste béninois, pour discuter les termes d'un partenariat pour les examens biologiques et la supervision d'un laboratoire d'analyses. Il nous a ouvert les yeux sur beaucoup de problématiques locales, sur les conséquences d'une aide humanitaire sanitaire qui déresponsabilise et désengage les gouvernements locaux, qui habitue les gens à des consultations non rémunératrices, rendant impossibles des financements autonomes pour une structure locale. Il fustigeait le prix de nos consultations qui selon lui "ne les aidait pas" car cela ne pouvait engendrer aucune richesse pour financer le projet. Il est vrai qu'actuellement l'hôpital est porté par des fonds québecois pour un an. Mais qu'en sera-t-il après? Comment former assez vite du personnel local avant notre retour? Comment financer des soins tout en restant vigilant à proposer des soins au plus grand nombre? Comment éduquer à anticiper des soins médicaux dans un budget? Nous ne sommes pas les premiers à nous poser ces questions... On en ressort un peu la tête en bouillie, en se rendant compte que certaines "bonnes intentions" vues de chez nous engendrent ici des catastrophes sanitaires...
Nous sommes bien petits.

Sinon, les enfants ont une nouvelle nounou, Claire, qui est sympa, qui dort avec Côme sur la natte sous la paillote à midi, qui l'endort sur son dos, qui initie les enfants au fon, et à la "pâte" (bouillie de niam, tubercule genre manioc avec sauce piment) On a du mal à faire manger Côme avec une cuiller et une fourchette... 

Toujours pas d'accouchement eutocique ici cette semaine, mais une dame avec un hématome rétroplacentaire en choc, pas mal de palus, parfois graves (on commence à bien perfuser les bébés...) et une médecine à réapprendre, avec de la belle clinique, et toujours étroitement liée aux finances "Ok, je vais prendre les vitamines, mais pas l'antibiotique parce que ça coûte trop cher..."

On a un portable si vous voulez nous avoir de vive voix, et on peut même nous envoyer des colis sur une boite postale, ça arrive en 15 jours environ. (je crois que c'est la période des foires aux vins en France, veinards!). On vous donnera ça par mail...